Sexe, Art et Archéologie – Table-Ronde histoire et archéologie.

Avec Marie-Jo Bonnet, historienne, et Jean-Olivier Gransard-Desmond, archéologue spécialisée dans la relation homme-animal.

Le 19 septembre 2009, de 17h à 20h.

« Sexe biologique et sexe symbolique au 3ème millénaire avant J-C. » (enregistrement de la communication de J-O. Gransard-Desmond et diaporama de sa conférence : http://www.archeotaupe.org/rubrique.php3?id_rubrique=2).

Article de Jef Tombeur (Le Post) http://galbn1.lepost.bkt.mobi/modules/id/moduleId/1685335;jsessionid=57A6F4DB969CF65534982EC6E1DEDD53)

Catherine Ursin & Béatrice Meunier, l’expo Art(s) Magique(s)

La galerie parisienne MarassaTrois présente, du 9 septembre au 8 octobre 2009, des oeuvres de Catherine Ursin et Béatrice Meunier. Elles seront mises en regard avec des évocations d’autres artistes, grâce à l’historienne des arts et des femmes artistes Marie-Jo Bonnet, mais aussi d’autres oeuvres, anonymes ou, imprégnées des rites et civilisations antiques d’Égypte, d’Afrique, encore vivaces au Brésil.

Catherine Ursin, en sus de sa profession d’illustratrice, développait une oeuvre artistique numérique. Elle l’a pour le moment remisée au profit d’étranges sculptures en découpes de métaux. Pour cette exposition, elle a puisé dans son bestiaire pour n’en sélectionner que des figures féminines humaines mais toujours animales, et parfois, selon les façons qu’on les traite ou maltraite, blessées, sacrifiées. Artiste-brodeuse (mais aussi photographe), la plasticienne Béatrice Meunier s’intéresse aussi aux violences faites aux femmes, mais tout comme Catherine Ursin, elle ne centre pas ainsi son propos. Si le thème du sort réservé aux femmes par les sociétés patriarcales est présent, et fortement affirmé, il n’est parfois, et même souvent, que sous-jacent, voire apparemment absent. La phrase « les femmes se font violences et douceurs » peut se lire de deux façons. Le voisinage entre le métal, parfois violenté plus que simplement contraint et découpé, et le textile des panneaux à dess(e)ins votifs n’a rien de fortuit. L’intitulé de l’exposition, « art(s) magique(s) », d’évidence, non plus. Natacha Giafferi-Dombre l’explicite dans sa présentation de l’exposition (disponible sur place ou sur demande) qui évoque Marika Moisseeff (anthropologue, auteure d’Insularités et d’autres textes parus sous l’égide de la Société d’ethnologie), Marcela Iacub (chercheuse, juriste, historienne de la maternité, auteure de Par le trou de la serrure, une histoire de la pudeur publique), Whiney Chadwick (auteure et historienne spécialiste du surréalisme), les artistes Frida Kahlo, Valie Export, la dramaturge Elfriede Jelinek, l’écrivaine Lucía Extebarria, et quelques autres figures contemporaines.

De cette érudite et très pertinente évocation, je ne reproduis ici que le passage qui suit…

« Si avec Béatrice Meunier on abordait l’infanticide des petites filles et le suicide forcé des veuves en Inde, on s’insurge avec Catherine Ursin devant cette adhésion aveugle au patriarcat dans le geste d’une mère tailladant le corps de l’adolescente irrespectueuse des choix matrimoniaux noués pour elle. Si pour Béatrice Meunier, Bollywood ne fait que cacher « marriages arrangés, désolation, avortements, meurtres et mort » (p 23), l’Occident de Catherine Ursin n’est pas mieux parti. L’ensemble des pieces présentées à la galerie Marassa Trois peut être vu comme une grande foire, à la fois gore et burlesque, dans laquelle les personnages féminins feraient les frais des folies d’un Grand Architecte… Leurs corps ne sont qu’orifices, l’eau et ses symboles habituels, serpents, crabes, scorpions, les traversent de part en part. Quand elles ne sont pas tout bonnement des femmes-cibles… Le ventre, comme chez Béatrice Meunier, est le lieu de toutes les transmutations. »

Pour ne pas s’en tenir à cet aspect explicite, il faudrait aller plus loin. Anthropologue, spécialiste d’Haïti, Natacha Giafferi-Dombre, la galeriste qui a choisi la figure ésotérique des triplés, les Marassa, pour enseigne, évoque aussi, à propos de Catherine Ursin, les bòs metal et les forgerons adeptes du vodou. Prêtresses et magiciennes, Béatrice Meunier et Catherine Ursin modèlent leurs propres traditions. Ce cheminant, elles croisent d’autres pistes. Trois intervenant·e·s en baliseront les méandres. En effet, les samedi 19 et 26 septembre, la galerie accueillera des spécialistes de diverses disciplines pour prolonger la réflexion et la confrontation entre ces deux univers et d’autres.

Le 19 septembre, à partir de 15 heures, Marie-Jo Bonnet interviendra sur « la grande histoire des femmes dans l’art » en brossant l’évolution des pratiques artistiques des femmes depuis la préhistoire. En fin d’après-midi, Jean-Olivier Gransard-Desmond abordera l’« archéologie de la relation homme-animal » et les questions des représentations symboliques du sexe en Mésopotamie et en Égypte.

Le 26 septembre, à 15 heures, Bénédicte Auvard, à propos des communautés afro-brésiliennes pratiquant le candomblé, « le savoir-faire féminin dans le sacré, son commerce avec le semblant dans la mise en scène du corps, en particulier dans la transe et la possession ». Elle insistera sur les masques et les mascarades qui accompagnent les rituels. Bénédicte Auvard participera, avec Natacha Giafferi-Dombre, à diverses expositions sur le thème des influences réciproques entre le Brésil et Haïti. Elles poncturont le printemps 2010 à la galerie.

Visiter aussi :

• Expo : Ursin & Meunier à MarassaTrois (sur C4N) ;

• Le site de Catherine Ursin ;

• Le site de Béatrice Meunier ;

• Une page sur MarassaTrois ;

• Une autre page sur C. Ursin.

Samedi 19 septembre, 15:00-17:00: Marie-Jo Bonnet (Histoire de l’art)

“Parcours à travers l’exposition ‘ART MAGIQUE’ et petite incursion
dans la grande histoire des femmes dans l’art”.

“La pratique artistique des femmes a commencé dès… la préhistoire, si l’on veut bien se poser des questions dérangeantes sur les statuettes du paléolithique. Il nous faut donc re-garder, re-voir, re-trouver et re-penser leur contribution à l’art, parmi laquelle se trouve la « magie quotidienne », le questionnement sur soi et la mise en oeuvre des énergies créatrices, comme nous en donne un passionant exemple contemporain: Béatrice et Catherine…”

Docteur en Histoire tôt spécialisée dans l’histoire des femmes, puis l’histoire de l’art, écrivaine, conférencière et militante féministe, Marie-Jo Bonnet a cherché à réaliser dans son oeuvre une synthèse entre la sensibilité créatrice, l’engagement intellectuel et la recherche spirituelle.

Samedi 19 septembre, 17:00-19:00: Jean-Olivier Gransard-Desmond (Archéologie)

“Archéologie de la relation homme-animal: Sexe biologique
et sexe symbolique au 3ème millenaire av. J.C.”

“Outre le fait que l’archéologie ne soit pas seulement fouilleuse, de nombreuses découvertes se cachent encore derrière un matériel dont l’analyse est pensée acquise. C’est en reprenant l’étude archéologique de la relation homme-animal dans la Syrie de l’Âge du Bronze que la place de la femelle apparaissait bien plus importante que ce que les études antérieures ne laissaient présager. Remettant en cause l’idée d’une virilisation de la culture proche-orientale, sans pour autant attester d’une société de type matriarcale, il s’avérait indispensable de dissocier le sexe biologique (mâle/femelle), et le statut particulier de l’animal châtré ou asexué, du sexe symbolique (masculin/féminin) pour être en mesure d’appréhender une nouvelle compréhension du sens des représentations de cette époque.”

Archéologue indépendant, le Dr. Jean-Olivier Gransard-Desmond travaille depuis 11 ans sur la relation homme-animal d’un point de vue archéologique. Il est l’auteur de plusieurs articles ayant porté sur différents animaux (canidés, félidés, bovinés, suidés) ainsi que d’un livre qui fait référence sur l’histoire du chien en Égypte : Les Canidae de la Préhistoire à la Ière Dynastie en Egypte et en Nubie. Co-fondateur d’ArkéoTopia, une autre voie pour l’archéologie, il est aussi très actif dans le domaine de la médiation scientifique, de l’éducation et de la défense de la recherche archéologique.

Samedi 26 septembre, 15:00-17:00, Bénédicte Auvard (Etudiante en Gestion d’Artistes)

– “Art, rituel et mascarade: Un éclairage brésilien”

“Si l’acte sexuel est possible, Lacan postule l’impossible du rapport sexuel, car si la jouissance de l’homme est phallique donc uniquement organique, celle de la femme est beaucoup plus profonde, diffuse voire effroyable. Dès lors, la posture du féminin est insoutenable dans nos sociétés profanes. Pour exister dans cet ordre phallique, la femme doit se livrer à une mascarade au risque d’encourir tout un cortège de symptômes (psychose, névrose, hystérie, anorexie voire homosexualité si tant est qu’elle se définisse comme une dissidence à l’ordre phallique).
Le masque avec son jeu de double représentation permet au profane d’exhiber son rang, ses titres, sa place dans l’échelle des statuts et tous les privilèges qui lui sont associés. Il lui permet de renouer avec l’ancestralité mais aussi d’accéder au sacré. Cette transcendance lui confère une nouvelle identité. Ici se joue donc une redistribution des pouvoirs entre masculin et féminin, orchestrée par le rituel. Si nous acceptons que le rituel s’impose à tous les participants, les théories qui présentent les femmes comme crédules, ignorantes ou terrorisées par les masques sont le reflet de l’androcentrisme de l’ethnologie dans lequel elles ont vu le jour. Si l’on prend en compte d’autres de leurs attitudes devant les masques, il apparaît beaucoup plus probable que nous avons affaire à l’expression obligatoire de sentiments, expression de scénographies qui font partie intégrante du rituel. La mascarade serait donc toujours à l’œuvre dans le sacré.
Cette réflexion aurait pour champ d’investigation les communautés afro-brésiliennes qui pratiquent le Candomblé au Brésil avec pour objet d’étude, le savoir faire-féminin dans le sacré, son commerce avec le semblant dans la mise en scène du corps, en particulier dans la transe et la possession et, partant, son impact sur le symptôme.”

Interprète de métier, Bénedicte Auvard est initiée aux cultes afro-brésiliens. Auprès de Natacha Giafferi-Dombre, elle est co-responsable de trois expositions à la galerie Marassatrois entre février et juillet 2010.