Catherine Ursin

Catherine Ursin (photo: uniterre.com)

“Catherine Ursin, née en mai 1963, à la campagne, dans la Sarthe, retrouve après une période de puces, de souris, d’informatique, de pixels et de logiciels, les matières naturelles, les matériaux organiques accompagnés de sensations primaires et bestiales. Retour aux origines. Recherches…

Découverte du métal. La technique du métal force à l’essentiel de la forme ; le matériau coupant que l’on entaille, le combat (physique) pour le maîtriser est de même nature que les thèmes en eux-mêmes. Ferrailles entaillées, capots de bagnole mordus, bidons grignotés comme tous ces portraits criants ou ces animaux à la dent dure. Matériaux recyclés, fragments de corps, os broyés, réutilisés, revisités. Les résidus d’huile, de peinture, de rouille sont les aléas de la vie de tous ces êtres agrafés, cousus, raccordés par des fils finissant dans une danse grinçante.

Soleil !
Me baigner dans une mer de tôles ondulées pour y pêcher des bonshommes de fer, des bonnes femmes d’acier, des animaux de ferrailles. Glisser sur des vagues de couleurs, nager dans les ondes de matières, me laisser bercer par des flots de dessins, de collages et plonger dans les profondeurs rejoindre les poissons dorés pour me noyer dans cet océan de bonheurs !…

Terre !
Amasser les sables, terres, boues, récupérer les os, crânes, arêtes, dents, conserver les ferrailles, bois, cartons, papiers, stocker les couleuvres écrasées, moineaux aplatis, mulots séchés, garder toutes ces trouvailles, rebuts de la terre, comme des trésors d’enfant pour, un jour, les ressortir sublimés.


Fer !
Percer, couper, cisailler, limer, grignoter, découper, combat avec la tôle pour en sortir un petit monde de poissons, de renards, d’oiseaux, de poules, d’hommes et de femmes plus râleurs les uns que les autres, mais jamais bien méchants…” (Catherine Ursin)

Pas bien méchants… Pourtant, si avec Béatrice Meunier on abordait l’infanticide des petites filles et le suicide forcé des veuves en Inde, on s’insurge avec Catherine Ursin devant cette adhésion aveugle au patriarcat dans le geste d’une mère tailladant le corps de l’adolescente irrespectueuse des choix matrimoniaux noués pour elle. Si pour Béatrice Meunier, Bollywood ne fait que cacher “mariages arrangés, désolation, avortements, meurtres et mort” (p 23), l’Occident de Catherine Ursin n’est pas mieux parti. L’ensemble des pièces présentées à la galerie Marassa Trois peut être vu comme une grande foire, à la fois gore et burlesque, dans laquelle les personnages féminins feraient les frais des folies d’un Grand Architecte… Leurs corps ne sont qu’orifices, l’eau et ses symboles habituels, serpents, crabes, scorpions, les traversent de part en part. Quand elles ne sont pas tout bonnement des femmes cibles… Le ventre, comme chez Béatrice Meunier, est le lieu de toutes les transmutations. Le matériau lui-même – des rebuts de métal, pots de peinture, bidons, travaillés dans son atelier sans protection particulière, à la façon des bòs metal d’Haïti auxquels Catherine Ursin indiscutablement s’apparente tout comme à ces ancêtres africains, les forgerons du Vodou – évoque la machine, voire la mécanique, ce qui semble traduire la conscience d’une personne “(tirant) sa force de son intégrité mais fragile en chacun de ses constituants.” Dans ces tableaux métalliques, métaphores du corps comme véhicule, il faut repérer les flux: “Dans l’énergie humaine, il faut dissocier l’énergie physique, c’est-à-dire électrique, magnétique, etc., de celles plus “obscures” qui émanent de l’esprit et de l’âme”, nous dit Marien de Guettony dans l’“Homme machine” .

Car l’âme, trop vite congédiée, hante les corps de Catherine Ursin tout comme ceux de Béatrice Meunier.
Avec l’une comme avec l’autre, cependant, il est des répits, des états de bonheur où le corps semble retrouver ce que Jacques Brosse désigne comme “ce que nous avons perdu, ce qui nous manque; le sens de nos origines, les fondements organiques et psychiques de notre vie”:

“Au commencement était une bulle. (…). Il n’y avait ni avant ni arrière, ni gauche ni droite, mais présence simultanée de tout. Il y avait aussi d’une certaine manière présence à soi-même, mais insaisissable, présence de l’être noyé dans son être. Androgyne était la bulle, mâle et femelle confondus en pénétration mutuelle. (…) Nulle séparation encore des sensations entre elles, nulle différentiation des objet entre eux; nul objet, nul vide, un plein sans faille.

C’est à ce plein que nous convient Catherine et Béatrice, souhaitant sans doute avec Jacques Brosse “faire venir venter (qui a donné ventre) de la racine indo-européenne WEN-, idée de désir, qui a donné Venus”…

Natacha Giafferi-Dombre


Fers découpés: Catherine Ursin, broderies cadres et gants: Béatrice Meunier